René Maltête n’est pas seulement un photographe. Il est un poète de l’absurde, un chroniqueur du quotidien, un artisan du sourire. À travers son objectif, il a saisi ce que tant d’autres oublient : la tendresse, la drôlerie involontaire, l’ironie douce de la vie. Son œuvre, profondément humaniste, continue de toucher les cœurs par son regard décalé et bienveillant sur le monde.

René Maltête

Une vocation née d’une curiosité insatiable

 

René Maltête est né le 8 mai 1930 à Lamballe, en Bretagne. Très tôt, il s’intéresse à la photographie, mais aussi à la poésie, au cinéma et à l’humour. Il n’est pas un technicien de la photographie à proprement parler. Ce qui l’attire, c’est l’émotion, le détail inattendu, la petite absurdité du quotidien qui fait sourire ou réfléchir. En 1951, il achète son premier appareil photo, un Semflex, et commence à capturer des instants cocasses dans les rues de Paris, souvent en toute discrétion.

En parallèle, il travaille comme assistant sur des tournages de cinéma. Ce double univers – l’image fixe et l’image en mouvement – alimente sa manière d’observer le réel. Il emprunte au cinéma son sens de la mise en scène. Chez lui, le hasard est souvent complice, mais toujours mis en valeur par une patience et un sens aigu du timing.

L’humour pour langage universel

Ce qui caractérise le travail de René Maltête, c’est avant tout son humour. Un humour subtil, jamais moqueur, parfois tendre, parfois ironique, mais toujours respectueux. Il aime juxtaposer les éléments, provoquer des décalages visuels ou narratifs, jouer avec les signes, les postures, les regards. De plus, il a ce talent rare de capter l’inattendu au moment exact où il prend forme.

Paris des rues et des chansons

 

En 1960, René Maltête publie son premier livre, Paris des rues et des chansons. Le livre contient une sélection de ses meilleures photographies, accompagnées de textes poétiques. C’est un succès immédiat : plus de 35 000 exemplaires vendus, un chiffre considérable pour un ouvrage de photographie à cette époque. Ce succès tient autant à la qualité de ses images qu’à leur universalité. En effet, chacun peut s’y reconnaître, y retrouver une part de son propre quotidien, de son propre imaginaire.

Ce livre pose les bases de son style : un noir et blanc élégant, une composition épurée, une attention portée à la lumière naturelle et, surtout, une mise en scène de l’ordinaire qui devient extraordinaire. René Maltête ne photographie pas la misère ni la tragédie, mais il n’est pas naïf pour autant. Il préfère souligner les failles du monde avec le sourire plutôt que de les dénoncer frontalement. Il propose une autre lecture de la réalité, plus douce, plus drôle, mais pas moins lucide.

Paris des rues et des chansons

Un artiste engagé

 

S’il se tient à l’écart des grands débats politiques de son temps, René Maltête n’est pas pour autant un photographe apolitique. Il s’inscrit dans une tradition humaniste proche de celle de Robert Doisneau ou de Willy Ronis. Il croit en l’homme, en sa capacité à s’émouvoir, à rire, à s’émerveiller. Par ses images, il prend position : contre la bêtise, contre l’autorité aveugle, contre la morosité.

Il refuse le spectaculaire. Là où d’autres cherchent le choc ou le drame, lui privilégie l’instant suspendu, l’anecdote significative, le regard complice. Il ne cherche pas à faire sensation, mais à créer du lien. Il ne photographie pas des « sujets », mais des situations, des gestes, des petits bouts d’humanité.

Une influence durable

 

René Maltête a influencé plusieurs générations de photographes et d’artistes. Son approche de la photographie comme forme d’humour visuel, comme manière de raconter des histoires sans paroles, a ouvert la voie à de nombreux créateurs. Il est souvent cité dans les écoles de photo, étudié pour sa capacité à construire une narration en une seule image.

Son œuvre a aussi été redécouverte grâce à internet et aux réseaux sociaux, où ses images circulent régulièrement, souvent sans qu’on mentionne son nom. Pourtant, son style est immédiatement reconnaissable : une photo de Maltête, c’est un petit éclat de rire silencieux dans le vacarme du monde.

Une œuvre au-delà de l’objectif

 

René Maltête n’était pas qu’un photographe. Il écrivait aussi des aphorismes, des poèmes, des réflexions pleines d’humour. Il a publié plusieurs recueils de pensées et de calembours, toujours dans le même esprit : léger, ludique, mais souvent profond. Parmi ses maximes les plus connues, on trouve :

« Le rire est le plus court chemin d’un homme à un autre. »
Une phrase qui résume à elle seule sa philosophie de vie et de création.

Il a également été éditeur, illustrateur, conférencier… toujours dans une démarche de partage. Il ne cherchait pas la reconnaissance académique ni les honneurs du monde de l’art. Il voulait toucher les gens. Et il y est parvenu.

Fin de parcours, début de postérité

 

René Maltête est décédé en 2000, à La Ferté-Villeneuil, dans le Loir-et-Cher, où il s’était installé dans les années 1970. Il y avait fondé une petite communauté artistique, toujours dans l’idée de créer du lien et de la beauté. Il laisse derrière lui des milliers de photographies, de pensées, d’ouvrages… et surtout, un héritage sensible et joyeux.

Aujourd’hui encore, ses images continuent de circuler, dans des expositions, des livres ou sur les réseaux. Elles rappellent que l’humour n’est pas une fuite du réel, mais une manière de l’habiter autrement. Qu’on peut être profond sans être grave. Que dans un monde souvent absurde, savoir en rire est peut-être la plus belle des formes de sagesse.